Bonus - Les Liés
Bonus
Extrait
Les Liés

Je rentrai enfin à la maison.
 Cette année était interminable. Après des allers-retours entre le continent et l’île, des kilomètres parcourus parfois à pieds pour la jouer discrets, des rencontres toujours plus intenses les unes que les autres, je n’avais qu’une envie : retrouver ma maison et Vadian. 
Cette dernière mission pesait beaucoup sur mon moral. Le couple que nous avions rencontré n’était pas prêt à quitter sa famille même si tous ses membres n’acceptaient pas leur Lien. Un mois de planque pour rien… Enfin si ; nous avions pu vérifier de près ce qui se répandait partout : la surveillance, les contrôles commençaient à s’étendre aux villes moins denses. Trois ans après, on revenait à la case départ. Nouvelles élections, nouvelles restrictions. Certains non-liés nous soutenaient ouvertement, mais leur voix ne comptaient pas pour le gouvernement. Beaucoup avaient perdu leur emploi, d’autres une partie de leur famille, leur toit. Notre capital sympathie chutait considérablement…
Comment pouvait-on gérer tant de choses à tout juste vingt ans ? 
Alors oui j’étais fatiguée. Fatiguée et compréhensive aussi. Parce que je comprenais qu’on ne pouvait confiner tout le monde sur une île, dans un village, planqué quelque part. On ne pouvait restreindre les libertés de chacun. Vadian savait que cette perspective me rongeait. 
Trois ans ne renversaient pas des gouvernements. 
A part par la force… je refusais encore cette solution. Sans solution, mon moral s’assombrissait.
La saison aurait dû me réjouir et marquer un break dans notre emploi du temps chargé, j’avais toujours adoré Noël, mais cette année, en passant devant le salon où Maé avait descendu le sapin depuis une semaine, le cœur n’y était pas. Je me sentais triste et - malgré la voix grave dans ma tête et le cœur qui battait à l’unisson du mien - seule.
 Je montai les escaliers jusqu’à notre chambre, puis le dressing, montai sur un la chaise de bureau que j’avais tirée jusque là pour attraper la boite qui traînait derrière une pile de tee-shirts usés, dont on se servait pour les corvées à l’extérieur. 
 Vingt-quatre décembre et la décoration n’était toujours pas installée. Je regardai le réveil près du lit : bientôt vingt heures. Je redescendis avec mon butin sous le bras. La maison était silencieuse sans Vadian, Lace et Maé. Nous avions convenus de préparer un repas de fête pour tout le monde dans la maison d’Enry dorénavant vide. Mes amis devaient être en train de tout organiser. Chacun était libre ensuite de rentrer chez lui passer un Noël en privé ou bien de rester avec le groupe.  Maé m’avait renvoyée à la maison en voyant que j’aspirai plutôt à un moment calme, reposant et loin de la foule. Ma meilleure amie savait toujours aussi bien lire en moi. C’était peut-être pire maintenant que nous habitions ensemble. 
Je ne savais pas si elle pouvait comprendre. Mes pouvoirs s’étaient développés tellement vite que j'avais l'impression parfois de tous les sentir à l'intérieur de moi. Ce n'étaient pas des pensées comme avec Vadian mais des présences parfois encombrantes. A la maison, je réussissais à faire barrage. Je pouvais vraiment me reposer.
 Je m’installai à genoux aux pieds du sapin, ouvris la boîte. A l’intérieur, nous y avions rangé une vingtaine de boules rouges et blanches, deux guirlandes en bois confectionnées par les petits frères de Lylanna. Je pris l’une d’elles entre les mains et caressai un des morceaux d’écorce. J’aurais aimé avoir le temps aujourd’hui de patiner avec Vadian. Le lac représentait un lieu où nous nous pouvions nous retrouver uniquement tous les deux. Les autres l’avaient parfaitement compris et peut-être que c’était grâce à ce que je dégageais en eux : ils nous laissaient cette intimité-là. J’en avais cruellement besoin. Je rêvais de voir notre maison construite au bord de l’eau, de pouvoir passer plus de temps avec Vadian seul à seul. Mais trois ans étaient passés depuis notre arrivée, notre devoir envers les Liés n’avait fait qu’augmenter, nos voyages sur le continent s’étendaient parfois en mois. Nous n’avions déjà pas beaucoup de temps pour nous voir en journée, je ne voyais pas comment ce chantier pourrait se mettre en place.
 Je soupirai. Mon compagnon me manquait déjà tant après une semaine. Le Lien lui-même grondait en moi pour que je comble la distance. Je ne l’avais pas fait encore et je me remémorai la conversation avec Miles la veille. Je m’étais raidi à la fin de sa première phrase. Mon mentor voulait qu’on réussisse à se séparer. Mais pas simplement quelques heures par jour, occupés par nos activités, non, il voulait que je parte sur le continent récupérer un jeune couple seule et que je revienne. Pour lui nous n’avions pas assez entrainé notre pouvoir à la distance et il souhaitait nous blinder. J’étais plutôt d’accord avec ça, mais partir sans Vadian me paraissait - déjà impossible vu comment mon coeur se rebellait contre cette idée - et surtout dangereux. Et si le Lien n’était pas assez fort, que les flics lui tombaient dessus, ou me tombaient dessus et que nous ne pouvions nous retrouver ? Si l’un de nous mourraient… je me brisais rien que d’y penser. Miles, lui, se montrait plus confiant. Avec une équipe entraînée et notre discrétion habituelle, il y avait peu de chances qu’on se fasse chopper. Mouais. Une partie de moi soufflait que nous deviendrons encore plus forts, une autre que je ne serai jamais aussi forte sans mon Lié.
Bref. 
C’était une discussion encore en cours.
Il y avait ce garçon qu’Andrei avait contacté qui refusait d’en raconter beaucoup sur sa vie de peur de voir sa Liée arrêtée...peut-être qu’après les fêtes...
 Interrompant le flot de mes pensées moroses, deux bras puissants et chauds glissèrent sur mon ventre pour tendre la guirlande que je tenais devant nous.
— Tu l’observes depuis vingt minutes. Qu’est-ce qu’elle a de spécial cette guirlande ?
Comme je ne répondais pas, il se chargea de la positionner dans le sapin. Puis une boule. Une deuxième. À la troisième, il m’en lança une autre pour que je participe. Dans un silence agréable, je me levai et l’aidai.
Il ne fallut que quelques minutes afin que le sapin arbore un look plus hivernal et festif. Vadian s’écarta et admira notre oeuvre. Les branches étaient bien garnies, et les couleurs harmonieuses mais mon cœur se serra en avisant le pied vide.
— Je n’ai même pas de cadeau pour toi…soupirai-je frustrée et peinée.
Vadian se tourna franchement vers moi.
— C’est ça qui te mine ? 
— En partie, répondis-je en haussant les épaules.
— On a été occupés c’est normal qu’on ne pense pas à tout.
— Mais j'aurais aimé…
— Tu veux me faire plaisir ?
J’acquiesçai.
— Viens patiner avec moi sur le lac.
Mon visage s’illumina aussitôt. Ça c’était dans mes cordes !
Je lui adressai le premier vrai sourire détendu de la soirée et attrapai la main qu’il me tendit en riant de mon enthousiasme. On récupéra nos patins au rez de chaussée, de quoi nous éclairer dans la nuit noire, on se couvrit chaudement. Les hivers étaient horriblement rudes ici. La porte se referma derrière nous.
Comme notre maison était excentrée, il ne fallait pas longtemps pour atteindre la forêt qui bordait le village. Un chemin s’était creusé au fur et à mesure de nos passages entre les arbres. Notre chemin. Vadian et ses coéquipiers de Hockey l’empruntaient aussi pour venir manier la crosse en hiver, mais la plupart du temps il n’y avait que nous deux pour aplatir le tapis de feuilles mortes.
On crapahuta comme on put, éclairés d’une lampe torche que Vadian pointait droit devant. Puis le lac sortit des arbres et je sus que c’était exactement là où je voulais passer Noël cette année. Ici, avec Vadian.
Je pensai que nous allions nous chausser directement et patiner, mais mon compagnon en décida autrement.
— Viens !
Sa main raffermit sa prise sur mes doigts. Même par des températures négatives, nous ne portions pas de gants. Le Lien aimait le contact peau à peau, et nous avions développé une sorte d’addiction. C’était comme s’embrasser. On ne pouvait passer une journée sans se coller l’un à l’autre au point de se perdre dans un baiser.
— Tu m'emmènes où ?
Il ne répondit pas et je commençai à croire que cette histoire de promenade cachait autre chose.
 On longea le lac à la lueur de la torche. La Lune commençait sa descente et nous éclairait un peu mais pas assez pour que je puisse savoir où Vadian nous conduisait avant qu’il ne s'arrête et que mes yeux s’écarquillent face à la surprise qu’il avait dû mettre un temps fou à élaborer… à construire.
 — Comment…
 — Ça fait des mois que tu n’as pas eu le temps de venir ici, alors j’ai demandé aux gars s’ils pouvaient m’aider à la construire. Je voulais absolument te faire une surprise, parce que tu adores cet endroit et que je savais qu’il te rendrait le sourire après cette année… merdique. Je voulais que tu saches à quel point je t’aime. 
 Sa surprise me tatouait un peu plus son amour sur le cœur. La douleur était si douce qu’un sourire s’épanouit sur mes lèvres.
 — Ça te plait ?
 Si ça me plaisait ? 
Le pouls battant comme un fou, j’avançai en lui lâchant la main, à la fois excitée, impatiente, un peu froussarde aussi. Je n’étais pas une habituée des surprises et celles-ci de l’extérieur me donnait déjà le tournis. Combien de temps Vadian avait-il passé ici ?
— On a sacrifié quelques entraînements mais ça valait le coup... 
Je restai complètement muette d'émerveillement devant cette cabane qui me plaisait tant. Cosy, elle ressemblait à un petit chalet, elle était plutôt haute, sur un niveau et je me doutais sur une seule pièce. Il ne l’avait pas construite seul et je me demandais comment je pourrais tous les remercier pour ce cadeau.
— Je te fais visiter ?
Je n’arrivais pas à parler. A lui dire à quel point j’étais reconnaissante et chanceuse de l’avoir, combien je voulais entrer à l’intérieur et me blottir contre lui, loin de tous les maux du monde.
— Pour une fois que j’arrive à te faire taire !
Je lui envoyai un coup de coude dans le ventre qu’il fit mine d’endurer avant de m’envoyer son plus beau sourire qui me cloua sur place. Qu’est-ce que je pouvais aimer ce garçon - non cet homme ! Trois ans avait terminé de renforcer sa carrure de montagne. Et Vadian continuait de pratiquer le hockey. Sur la glace en hiver ou dans l’herbe, il ne parvenait pas à se séparer de sa crosse longtemps, de ses amis. De moi. Alors imaginer partir un mois entier ?
Mon compagnon savait déjà quelle discussion j’avais eue avec Miles. Il connaissait mes doutes, il partageait ma souffrance de cette nouvelle épreuve. Mais n’était-ce pas pour le mieux ? Pour nous rendre plus fort ? Vadian me vola un baiser comme pour chasser mes sentiments qui n’avaient pas lieu d’être ce soir, puis il me prit la main et me guida à l’intérieur.
La cabane faisait peut-être dix mètre carré. La porte qu’ouvrit Vadian donnait sur une entrée tout en largeur où il avait installé un banc et fixé des portes manteaux. Une autre porte fermée me cachait le reste.
— Impatiente ?
— Plus que ça.
Mon compagnon me retira mon manteau pour l’accrocher à côté du sien. J’otai mon écharpe, mes boots. Il me sembla que mon coeur battait encore plus vite lorsque ses doigts s’enroulèrent autour de la poignée. Comment avait-il pu construire un tel endroit ?
— Secret professionnel.
Vadian était toujours autant doué pour me dissimuler ses pensées quand il pensait qu’il le fallait. Je n‘étais pas jalouse de ce don. C’était frustrant par moment, mignon à d’autres quand il rougissait et n’osait pas m’avouer ses fantasmes les plus secrets. Je lui avais tiré les vers du nez un soir et la nuit qui en avait découlé me restait en mémoire. Ce soir, je remerciai en silence cette capacité chez lui, parce qu’en avançant dans la seconde partie de la cabane, cela me permit d’avoir le souffle coupé. 
Comme je m’y étais attendu, la chalet ne renfermait qu’une seule pièce, mais elle était si chaleureuse, si bien aménagée, que je me sentis tout de suite protégée dans un cocon, isolée du monde extérieur de ses injustices et de sa barbarie. Une large fenêtre ouvrait le mur face à la porte. En journée, la pièce devait baigner de clarté. Cette nuit, un rideau tombait en joli voilage et nous barricadait de l’extérieur.
— Miles a commandé et a été cherché la fenêtre, m’expliqua Vadian. C’est lui aussi qui m’a montré comment la poser.
— Tu es devenu un pro…
Je passai la main sur des étagères. Il avait même apporté une touche de déco. Quelques livres. Une photo de nos meilleurs amis. Une photo d’un de nos baisers. D’un match de Hockey.
— Je compte l’agrandir au fur et à mesure mais j’avais envie qu’on soit un peu seul pour Noël. 
Je ne dis toujours rien complètement étouffée par les battements de mon cœur, l’intensité de l’amour et du bonheur qu’il m’inspirait. Je découvris le reste de sa préparation ; des bougies dans des pots en verre disséminées un peu partout, un pouf assez large pour s’y blottir à deux, tant de coussins que je dus prendre garde à ne pas poser le pied dessus. 
Au bout d’un moment, sa frustration grandit en moi comme une plante grimpante
— Dis quelque chose.
Je me plantai au milieu de la pièce face à lui, cherchai son regard.
— Tu es la plus belle chose qui me soit arrivée. Et tu me rends heureuse comme jamais personne ne saura le faire.
Voilà, c’était dit.
Je récoltai un sourire. Un merveilleux sourire qui termina d’envelopper mon cœur d’une couche de coton. Vadian s’approcha d’abord de moi avec lenteur, prenant le temps de m’observer, décaler mes cheveux derrière mes épaules, de caresser ma mâchoire avant de l’incliner comme elle lui convenait, de se coller à moi et de m’embrasser.
Je connaissais tous les baisers de Vadian. Des plus doux et tendres, au plus fougueux. Je les aimais tous. Je les attendais tous. 
Celui-ci ouvrit ma bouche pour prendre possession de tous ses contours. Sa langue s’enivra de la mienne, son souffle se perdit contre le mien. 
Je recourbai les orteils dans mes chaussettes en sentant ce point brûlant me consumer entre les jambes. Vadian était déjà dur contre moi  et son baiser attisait un peu plus son désir. Je me posai contre le mur le plus proche et il s’appuya sur moi. Dans sa bouche, mes gémissements terminaient là où les siens commençaient. J’adorais toujours autant l’entendre. J’avais l’impression qu’il se laissait complètement aller. Qu’il perdait pieds, lui qui se contenait tant devant ses élèves que bon nombre d'entre eux m'avaient déjà demandé s'il se détendait parfois !
— Je parais froid ? me questionna-t-il les sourcils froncés après avoir eu l’image de lui que je me dessinais en entraînement.
Je pouffai en affirmant oui d’un signe de tête.
— Mais ça te donne un petit côté inaccessible très sexy.
— Ah ouais ?
Sur ce, il me plaqua de nouveau contre la cloison et cette fois, inséra une jambe entre mes cuisses. Je crus voir des étoiles. Ma tête partit en arrière, je relâchai un souffle comme si mon corps entier se comprimait soudain sous trop d’envie, comme s’il s’étouffait de ce besoin impérieux de le sentir en moi. On était trop habillés. Il était trop habillé. Je me liquéfiai sous sa bouche en train de me dévorer le cou. Je voulus lui retirer son pull, mais il m’en empêcha. A la place, ses mains soulevèrent le mien.
Je ne portais presque rien en dessous. Seulement un tee-shirt qu’il enleva en même temps que la couche plus épaisse. Ses yeux verts brillèrent d’un éclat que j’adorais lui voir : Il me désirait comme aucune autre.
— Tu m’as manqué.
Vadian connaissait mon corps par cœur. Il pouvait retracer d’un doigt un chemin entre mes grains de beauté disséminés autour de ma poitrine. Il savait qu’un simple effleurement sous mon nombril me faisait perdre les pédales au point où j’ouvrais les jambes pour le réclamer. Ce soir, ce ne fut pas simplement la pulpe de ses doigts qui me désarma, mais aussi sa bouche. Sa langue qui me lapa la pointe des seins, mordilla mon téton si délicieusement qu’il envoya un choc de mille volts à mon entrejambe. Je voulus serrer les jambes, chercher une friction, mais il m’en empêcha. Ses lèvres descendirent, sa langue lécha la ligne jusqu’à mon nombril puis se perdit entre mes cuisses après avoir retiré mon pantalon.
A ce moment là, mon bassin bascula de lui-même contre sa bouche. Le rire de Vadian vibra sur ma peau, entre mes jambes. Je baissai la tête pour clouer mon regard au sien. Mon compagnon s’arrêta une seconde, retira les couches de vêtements sur son torse.
Il me lança un clin d’œil en déboutonnant son jean. 
— T’es trop excitante. Je vais exploser.
Avait-il conscience qu’il représentait le fantasme masculin à lui tout seul ? Les cheveux ébouriffés, la barbe naissante, le torse sculpté, des poils sexy au niveau du nombril. Penché sur moi je pouvais voir les muscles saillants de son dos. Ses biceps développés quand il pressa mes fesses sous ses paumes. À côté de ce roc, j’étais une brindille !
Mon compagnon n’eut aucun mal à me porter d’un bras après s’être relevé. Mes jambes s’enroulèrent avec plaisir autour de lui. J’aimais me tenir entre ses bras. Vadian m’embrassait avec passion, ses doigts se plongeaient dans mes cheveux, tiraient dessus quand il voulait me regarder avant de revenir mordre mes lèvres. Il se déplaça dans la pièce jusqu’aux coussins. Quand il me remit debout, il prit son temps pour apprécier la vue Il était nu jusqu’à la taille, mais sous sa braguette ouverte, je pouvais voir à quel point il était gonflé. J’avais envie de m’occuper de lui, de le soulager. Alors je m’agenouillai. Ses yeux parcourent ma nudité, mon visage. Il ne détourna pas le regard une seconde et je ne l’évitai pas non plus en lui ôtant ses derniers vêtements. Son boxer que je descendis tout doucement. Mes mains remontèrent de ses chevilles, à ses cuisses. La dureté de ses muscles sous ses poils bruns m’excitèrent encore plus. Je sortis la langue, Vadian retint son souffle.
— Merde… tressaille-t-il alors que je l’ai à peine touché.
— C’est toujours aussi bon apparemment, me moquai-je.
— Oui...putain oui.
Je me tus et le caressai de ma langue comme lui venait de le faire. J’adorais ça ; le savourer, savoir qu’il était si doux sous ma langue et si invincible sur le terrain. Que j’étais la seule à pouvoir observer cette expression de pur abandon sur son visage. Et ses râles… rauques, presque sauvages. Ils me collaient des frissons jusque sur la nuque. Plus je le tenais dans ma bouche, plus le point entre mes jambes le réclamait.
Vadian mit un terme à mon supplice et au sien en s’agenouillant à son tour. Il m’embrassa d’un baiser possessif et m’étendit sur les coussins. Retrouver sa peau brûlante sur la mienne. Accueillir son érection sur mes plis trempés. Planter mes doigts dans ses cheveux.
Ma jambe remonta sur sa hanche, le plaqua contre moi.
— J’ai tellement envie de toi, murmura-t-il contre mes lèvres entrouvertes.
— Alors arrête de joue…
Ma phrase taquine se perdit quelque part dans mon cerveau déconnecté. Je criai quand Vadian plongea enfin en moi. Allant et venant d’abord doucement. Profondément. Les yeux dans les yeux. 
— C’est tellement bon de jouer avec toi. Chaque fois tu es...plus ouverte. Plus chaude.
Je ne quittai pas son regard mais ma bouche demeurait désespérément à court de paroles. Ma voix mourait dans ma gorge alors que ses à-coups me remplissaient d’une sensation exquise. A partir de ce point, l’intensité de ce que nous éprouvions augmentait toujours. Parce qu’on partageait nos sensations. Je pouvais sentir la chaleur qui l’enveloppait et lui cette pression en moi tandis qu’il gonflait encore.
Nos gémissement se répondaient. Vadian se perdait lui aussi sous un plaisir foudroyant. Ses mouvements devinrent désordonnés, puissants. Je suffoquai, continuai de le guider en moi, de le coller à moi comme pour fusionner nos corps alors que nos âmes étaient déjà totalement soudées l’une à l’autre.
— Carline…
Combien de temps répéta-t-il mon prénom ? Je n’en savais rien. Je ne savais plus rien à part que jamais je n’avais ressenti ça. Mon cœur allait exploser.
— Le mien aussi.
Cela arriva l’instant d’après ; l’explosion. La vraie. Celle qui vous tend tout entier. Qui vous fait crier. Qui vous abandonne pantelant aux bras de celui ou celle que vous aimez.
Je criai moi aussi. 
Quand nos tremblements s’apaisèrent, je le serrai contre moi et l’embrassai. Le quitter après ça ? Jamais de la vie...

 J’aimais qu’on soit allongés durant des heures après, sans échanger un mot ou une pensée. Vadian me tenait toujours contre lui, ma tête posée sur son torse et caressait mon bras. 
 — C’est quoi cette histoire avec Miles ? demanda-t-il quand il sentit mes pensées repartir sur un sujet sombre. Il veut t’envoyer sur le continent ?
— Je n’ai pas envie d’en parler.
 Je me replaçai sur le dos et me perdis dans la contemplation du plafond.
— Tu sais que je peux faire autrement…
 Cette fois, je grognai. Si on pouvait tout savoir l’un de l’autre d’une simple pensée, on se respectait la plupart du temps pour ne pas aller fouiner ce que l’autre ne voulait pas trop évoquer. C’était petit de me menacer de cette façon. 
Je parlai avec beaucoup de mauvaise volonté : 
 — Miles est persuadé que notre Lien a besoin de la distance pour se renforcer un peu plus. Il a peur que le gouvernement durcisse encore les lois et qu’ils trouvent un moyen un jour de nous séparer. Comme avec ce sérum, tu te souviens ? 
 Bien sûr qu’il se souvenait de ce jour horrible trois ans plus tôt... Cela avait été une véritable épreuve, autant pour lui que pour moi. J’avais cru le perdre. J’avais cru...mais il était revenu. Nous éloigner m’infligerait la même peine…
— Il dit qu’on doit se tenir prêts à toute éventualité, continuai-je le coeur serré. Et il nous manque que celle-ci...
— Il n’a pas tout à fait tort.
 Je le savais. Mais le pic dans ma poitrine me causait tellement de douleur que je n’arrivais pas à me montrer rationnelle. Je me redressai. La couverture glissa sur mon ventre. Le regard de Vadian se ralluma et je lui souris. Comment pouvait-il envisager qu’on se sépare des semaines entières quand on ne pouvait déjà pas tenir une journée ?
— On ne se sépare pas, Carline, dit-il en répondant à ma question.
— J’aurais aimé ne pas en parler. Pas ce soir.
— Miles est de notre côté. C’est normal d’écouter quand il parle de quelque chose de si important…
Je secouai la tête.
— Ce ne serait pas judicieux de nous séparer, rétorquai-je. On a tout affronté ensemble. On a été plus forts que tout le monde ensemble. C’est toi et moi, pas toi ou moi.
Vadian colla son front sur mon épaule.
 — Ce ne sera jamais toi ou moi. Ou toi sans moi.
 — Alors pourquoi cette discussion inutile ?
 Je l’entendis soupirer. Oui, je pouvais toujours me montrer aussi têtue. Ce trait de caractère se durcissait dès qu’il s’agissait de nous deux.
— Se séparer par la distance ne veut pas dire qu’on ne fonctionne plus par deux, expliqua-t-il doucement.
Il insistait trop et j’avais de plus en plus l’impression qu’il...s’était préparé à cette discussion. Non...
— Carline…commença-t-il quand il dut comprendre mon cheminement.
— Tu as parlé avec Miles, c’est ça ?
Je quittai la chaleur du lit et de ses bras pour attraper mon tee-shirt et le repasser sur ma tête.
— Carline...reprit-il à voix haute cette fois.
Je m’emmêlai dans mon pantalon et ne parvint pas à l’enfiler. La colère commençait à gronder en moi. Elle ne se tournait pas uniquement vers Vadian, mais surtout vers moi : comment pouvais-je envisager qu’il parle dans mon dos ? Malgré ça, les mots sortirent de ma bouche :
— Est-ce que tout ceci n’était qu’un subterfuge pour amener la conversation plus facilement ?
— Ne m’insulte pas, Carline !
Lui aussi m’en voulait. A son tour, il se leva avec vigueur et enfila son pantalon sans chercher à trouver son boxer. 
— Je ne te manipule pas Carline, je ne l’ai jamais fait, je ne le ferai pas maintenant. Te voir partir ça ne m’enchante pas. C’est même tout le contraire. Je t’ai amenée ici pour être avec toi, parce que je le sais, tu le sais aussi, que tu vas partir. Alors oui mon coeur souffre autant que le tien d’envisager cette possibilité, mais je sais aussi que tu n’en peux plus d’être sur cette île. Tu as besoin de bouger, tu as besoin de te sentir libre. Et je ne suis pas suffisant aujourd'hui.
—Tu dis n’importe quoi…
Il était mon univers entier, comment pouvait-il dire une chose pareille ?
— Je veux dire...se corrigea-t-il, tu as des envies que je ne peux combler et je comprends parfaitement. Et tu n’as pas à te sentir coupable d’avoir ces envies, de vouloir voyager ou étudier. Je suis même prêt à retourner sur le continent, à vivre comme un fugitif pour que tu puisses le faire, mais on sait toi et moi que ce n’est pas ce que tu veux. Et moi, je veux pouvoir t’offrir l’avenir que tu mérites…
— L’avenir que je mérite ?
— Sur le continent. Toi tu veux pouvoir t’afficher, montrer qu’être liée ne te change pas en monstre, que tu peux être normale, qu’on peut tous l’être. Tu vas dépérir si on reste cloîtrés sur cette île. Bien sûr que tu t’en contenterais, parce que tu sais tout ce qui nous attend sur le continent, mais les voyages ne te suffisent pas. Alors s’il faut qu’on se sépare une fois, juste une fois pour grandir notre pouvoir et devenir intouchables, alors je dis oui. Je suis prêt à ça pour t’offrir le monde.
Ma respiration se bloqua et avec elle tous les sentiments négatifs que je venais d’avoir. Qui étais-je pour mériter un tel homme à mes côtés ?  Je lâchai mon pantalon et m’avançai vers Vadian, préférant me concentrer sur son torse nu que ses yeux. Quelque part en moi, j’avais honte.
— N’aie pas honte. Je comprends toutes tes craintes.
J’en avais les larmes aux yeux.
— Qu’est-ce que je dois faire ?
Et là, je posai la question plutôt au garçon qui avait discuté avec Miles, pas à celui que je ne voulais pas quitter.
— Miles veut que tu récupères un couple de Liés qui se cache en ville. Il pense que la période se prête à un essai de mission...solitaire. Tout le monde sera accaparé par le jour de l’an, les flics seront moins sur les dents, ils chercheront moins à mettre la main sur toi.
Je n’osai pas relever la tête. Des images de sa silhouette me regardant monter dans le bateau et partir me faisait trop mal au coeur.
— C’est si rapide...je ne suis pas prête. 
Vadian me souleva le menton d’un doigt. J'écarquillai les yeux de voir les siens si brillant de larmes.
— Si tu attends encore… tu ne le seras jamais.
— Le Lien nous pousse à vivre ensemble, je n’ai pas envie de te quitter.
Cette fois, une larme s’échappa sur ma joue. Vadian la cueillit de son pouce.
— Ce n’est que pour deux ou trois semaines. Et ça nous permettra de nous entraîner. Ils ne pourront plus rien contre nous car peu importe le lieu où on se trouvera, on sera toujours ensemble.
— Et si ça ne marche pas ? Et si je ne t’entends pas ?
— Je suis sûr qu’on va réussir. Tu verras, on va pouvoir se parler toute la journée. Tu n’en pourras plus, blondie ! 
Je ris tristement. Vadian essayait de détendre l’atmosphère mais il savait que rien ne me réconforterait vraiment à part la perspective du retour. 
— Se parler et se toucher sont deux choses différentes, déclarai-je le coeur lourd.
Le bras de Vadian se resserra autour de moi.
— Alors laisse moi te toucher toute la nuit.
Je relevai la tête, grimpai sur la pointe des pieds et l’embrassai éperdument. Demain serait un autre jour. 
Demain on affronterait encore des épreuves.
Et on s’en sortirait… comme toujours, non ?

(c) Elle Séveno - décembre 2019
Je veux pouvoir t’offrir l’avenir que tu mérites....jpg 323 KB